Alertoplum

écriture au carré

Ecrire au carré, écrire en carré, comme une plate-bande de jardin ouvrier, avec au milieu, un buddleia ou fleur du Père David appelé aussi, arbre à papillons.

 

                     

Lépidoptère adulte, ici un Aurore mâle

                                                                                                        

Nous étions en septembre, le Père David avait terminé sa sieste. Aujourd'hui, il s'était réveillé plus tôt. Il attendait une visite. Il descendit l'escalier, s'arrêta, s'assura d'un regard que tout était en ordre dans le salon. La maison était silencieuse, encore baignée d'un soleil déjà palissant. Il se dirigea vers la cuisine, versa quelques grammes de thé dans la théière, ajouta l'eau chaude et posa un couvercle. Le visiteur sonna, entra par la porte ouverte : « Bonjour Père David, je vous ai apporté un arbre à papillons. Dans votre jardin, à coté des agapanthes et des oeillets, il sera du meilleur effet ». Le père David s'avança en souriant, l'air moqueur : « Je préfère l'appeler « Buddleia Davidi ». Savez-vous que c’est  le nom  savant  du  buddleia  du Père  David ? »

 

Claire

 

Le soleil est à son zénith, paresseusement il s'infiltre à travers le feuillage dense de mon arbre à papillons, celui que j'ai planté il y a... il y a bien dix ans. De tous les arbres du jardin, c'est celui que je préfère. Il est vivant, vivant. Quand la torpeur de ces après-midi d'été engourdit plantes, animaux, tout ce petit monde grouillant  vous donne l'impression d'exister. Mon arbre à papillons accueille ses  visiteurs multicolores. Leur danse ininterrompue offre un spectacle dont je ne me lasse pas, elle me fascine cette danse sans cesse renouvelée, tantôt ce sont des ailes blanches qui froissent l'air, rejointes par des ailes aux couleurs si intenses que l’œil se brouille. On dirait un arc-en-ciel embrumé. Epuisés certains papillons se posent sur les fleurs  mauves, mêlant ainsi leurs couleurs à celui de l'arbre, créant un tableau en évolution éclairé par les rayons du soleil qui s 'immisce à travers les branches. La légèreté des papillons donne à ce ballet estival une dimension céleste. Leurs fines ailes battent en cadence,  semblant ne pas peser plus de quelques grammes. Les pensées s'envolent aussi au même rythme que ces bruissements subtils. L'été est là, au plus profond de sa torpeur. Septembre, qui s'annonce déjà ralentira le ballet des papillons.

 

Marie-Madeleine

  

 

Après les baignades du mois d'août où le sable, les rochers et les vagues sont l'essentiel de mon horizon, sans oublier les silhouettes familières et familiales, le plaisir est subtil de retrouver en septembre la solitude de mes promenades à travers champs et sentiers de campagne. La première sortie est toute pleine de surprises. L 'oeil n'est plus habitué à cette végétation. Je me sens comme un visiteur dans ces paysages délaissés. Bien des choses me paraissent nouvelles : des couleurs, des essences que je revois avec plaisir. Des bribes d'été ponctuent encore la nature comme cette sarabande de papillons autour d'un bosquet de ce beau lilas   d'Espagne où je saisis quelques grammes de ces fleurs au rose violent dont la teinte est un peu passée. Je préfère cet "entre deux" au flamboiement d'automne qui s'affirme dans l'orangé des arbres, des herbes aux mille fleurs fanées…

 

Mariette

  

Elle avait quarante ans depuis hier. Son cœur battait fort. Elle avait fait la fête avec tous ces amis. C’était réussi. Elle aurait dû être contente, mais elle se sentait mal. Elle marchait doucement dans Paris, en respirant le plus calmement possible… mais son vertige ne passait pas. A bout de force, elle préféra s’arrêter et regarda autour d’elle. Dans le fond de ce banal jardin ouvrier elle vit, dans un petit enclos carré, les rames violettes d’un gros buddleia. Elle s’approcha des branches graciles qu’octobre avait dénudées. Elle se pelotonna sous son ombre, recroquevillée à ses pieds pour laisser passer le malaise. Elle ferma les yeux un long moment quand une voix d’homme lui fit relever la tête. « Voilà une espèce de papillon que je ne connaissais pas » dit ce visiteur du soir, égaré en ce jardin. Elle n’arrivait pas à le distinguer vraiment, sa silhouette était à contre-jour. Elle vit la main qu’il lui tendait pour l’aider à se relever. Il épousseta son long manteau de laine pour en faire tomber les quelques feuilles d’arbre accrochées. Elle le regardait. Des cheveux presque blancs, un grand manteau sombre. On aurait dit un prophète. Son calme était impressionnant. Elle se sentait mieux tout à coup. Il dit simplement : « Je m’appelle David ». Elle éclata de rire. Et en montrant l’arbre contre lequel elle avait pris appui, elle lui expliqua : « Justement, l’arbre à papillons s’appelle aussi  buddleia du père David ». Il rit à son tour et déclara : « Nous étions faits pour nous rencontrer. » Et c’est ce qu’elle se dit depuis ce jour-là...

 

Mo

   

Les buddleias, j'en ai plusieurs. Trois bleus violacés, de ceux qui poussent partout, et jouent les manches à air, doigts tendus, au bord des autoroutes. Je les multiplie, je les distribue, piètre monnaie d'échange dans les bourses aux plantes, si banals, si mauvaise-herbe-je-pousse-toujours. L'autre fait  ma fierté. Rose syrien, éclatant et fourni, manchons épais bourdonnant d'abeilles, remplis de la gloire de juillet, puis de septembre finissant, gorgés du sucre de parfums anciens comme la soie des coussins de grand-mère imprégnés de patchouli. Je les saisis à pleines mains, j'y fourre le nez, reine des papillons qui me les jalousent. Mais celui là est aussi fragile, capricieux, impérialement obstiné dans son refus de bouturer. Il y eut un automne où je décidai de faire les choses en grand. Je sélectionnai mes rameaux, les plantai en escouade fournie dans la terre grasse, à l'ombre humide d'une haie bien exposée. Voilage d'hiver, arrosages réguliers au printemps. En juin, je partis quelques jours. Au retour je passai en revue mon jardin, accompagné de David, à qui j'avais proposé en vain en échange de son hellébore, du lamia gobeledon , des troènes, un laurier noble, un autre sauce, une pivoine, de la sauge et des sedum et qui faisait des manières « Je ne vais pas t'en priver ». Devant la haie, nous faisions demi-tour, quand j'aperçus mes quatorze bâtons. Au garde à vous, mais secs, ratatinés, après  trois jours d'autan, une spécialité régionale qui sèche l'argile façon Sahel. J'envoyais valdinguer leurs rangs d'un coup de botte, quand l'ami pointa du doigt vers la quinzième  bouture. Grasse, feuillue, pétant la forme. «  Regarde, ce petit truc, là, un buddleia qui a dû repartir tout seul. Toi, tu en as déjà quatre, et tu n'en fais rien,  alors tu me le donnes ? »

 

Magali

 

 

Ce matin de septembre, le Père Adam Buddle levé tôt, un filet à papillons à la main, une boîte à chaussures, des tampons et de l’éther, s’apprêtait à herboriser. Il avait l’humeur légèreet l’âme en paix : il finissait d’enterrer chrétiennement les membres de sa famille et se réjouissait d’avoir accompli ce qu’il considérait comme sa mission. Celle de rendre grâces à son Créateur en scrutant avec attention ses inventions sans nombre. Il parcourut la campagne anglaise de son cher Sussex, le pas libre, lançant en avant ses grandes jambes libérées de sa robe de bure  retroussée et nouée par sa cordelette. « Buddle, Buddle mon ami dit-il à voix haute, je sens que vous êtes dans un jour béni ! » Le soleil déjà sur le déclin de sa grande course d’été ombrait le creux des coteaux. Un regard circulaire ravit le père. Une ronde incessante d’insectes vibrait autour d’un bouquet d’arbres. S’approchant de ce ballet, Buddle scruta le sol  humide et  pauvre puis s’arrêta. Des papillons de toutes couleurs s’écartaient après avoir donné de leur trompe un baiser et prélevé un gramme de suc aux grappes de fleurs d’un mauve soutenu. Un Grand Paon lui effleura les narines, d’autres plus petits s’envolèrent. Craignant de troubler cette chorégraphie, Buddle s’écarta de quelques pas, sortit de sa poche un calepin, un crayon et dessina les papillons, les souples tiges de vert tendre de ce merveilleux arbre. Un pastel mauve où toute la joie de Buddle éclatait : « Je ne sais si je préfère ces jolis papillons, Seigneur, ou l’arbre splendide qui les réunit ! »

 

Lise-Noëlle

                                                                

 Le battement d'ailes du papillon

Atelier des plumes alertes - Février 2009 -


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